Parents toxiques: comment échapper à leur emprise?
- Caroline Franc Desages
- 27 juin 2016
- 3 min de lecture
Difficile de se construire lorsqu'on a été victime de parents dits "toxiques", qu'ils aient été violents physiquement, psychologiquement, absents ou trop intrusifs. Témoignages et conseils pour se défaire de leur emprise.
Depuis des mois, Sophie garde dans son sac cette lettre pour sa mère, sans parvenir à la lui donner. Dans cette missive, elle tente, en pesant chacun de ses mots, d'exprimer le mal que lui font et lui ont fait ses remarques nombreuses et répétées sur son poids et celui de son futur mari, son manque d'ambition professionnelle ou financière. "Je suis tout à fait prête à oublier toutes ces petites phrases un peu mesquines que tu m'as dites (...) mais j'aimerais tellement que tu puisses être juste heureuse pour moi" supplie la jeune femme. Un souhait légitime et qui peut paraître évident, mais qui lorsqu'on a la malchance d'avoir un père ou une mère "toxique" relève souvent de la pure utopie.
Pourquoi certains parents ne semblent pas capables d'aimer "suffisamment" comme le préconise le psychologue Donald Winnicott? Comment comprendre et accepter les comportements de ces géniteurs malveillants, intrusifs ou violents et surtout comment se construire sans ces repères d'amour parental? Voici, avec l'aide de la psychothérapeute Béatrice Voirin, quelques pistes de réflexion.
Un parent toxique est incapable d'apporter du soutien à son enfant
"Un parent toxique, c'est un parent qui a été dominateur, critique, méprisant, manipulateur ou plus simplement démissionnaire et incapable d'offrir le moindre soutien à son enfant. Ces parents ne sont pas forcément coupables de sévices ou d'abus sexuels", définit au préalable la psychothérapeute. Attention, glisse-t-elle, "on est tous un jour ou l'autre des parents "toxiques". Nous ne sommes que des êtres humains! On peut avoir des problèmes et s'emporter contre son enfant de façon excessive. On peut ne pas être disponible de temps à autre. Mais la plupart des enfants sont capables de s’accommoder de ces coups de colère, de ces manques, occasionnels tant qu'ils reçoivent leur dose d'amour et de compréhension."
Autrement dit, il faut faire la différence entre une parole malheureuse prononcée sous le coup d'une grande fatigue ou d'un énervement que toute mère ou tout père a pu ressentir un jour et la récurrence de critiques comme celles relevées par Sophie dans sa lettre: "t'es-tu rendu compte du regard de la vendeuse quand tu lui as dit que je perdrais un peu de poids pour le mariage? Elle était sidérée! A chaque fois que tu me demandes si je compte maigrir (tu me l'as demandé trois fois depuis l'annonce du mariage), je te réponds que "oui, bien sûr, j'y compte bien". Mais qu'est-ce que ça me fait mal de te répondre cela, parce que moi je ne me trouve pas si grosse!"
Culpabilisation, violences verbales, absence de mots d'amour...
"Cette femme que j'aime tant, je la déteste tout autant", avoue quant à elle Ava, 42 ans. "J'ai du toute mon enfance prendre soin d'elle, subir son chantage affectif, veiller à ce qu'elle ne se suicide pas. Lorsque je suis devenue anorexique et que le médecin l'a alertée, je pesais alors 36 kilos, sa première réaction a été de m'accuser de faire ça contre elle. Avec elle, tout passe par la culpabilisation, le monde entier lui fait mal, mais jamais autant que ses enfants. Il est impossible de la contenter, et ça c'est vraiment très très dur, même aujourd'hui".
Les témoignages comme ceux de Sophie et Ava sont légion. "Mon père est très violent verbalement et ma mère ne m'a jamais prise dans ses bras ni dit "je t'aime". Je me suis construite sur l'idée que j'étais un monstre pas aimable, que les autres étaient dangereux", confie pour sa part Sandrine. Et toujours cette même interrogation: comment faire pour sortir de ce ressentiment et parvenir à vivre sans ce capital d'amour parental ?
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