De l’art de conjuguer esprit critique et démarche scientifique
- Mehdi Khamassi et Frédéric Decremps
- 20 juin 2016
- 2 min de lecture
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » moralisait Rabelais qui, dans le même temps, préconisait à Gargantua une pratique sportive intense et des études supérieures pour modeler « un esprit sain dans un corps sain ».
En science, il ne suffit pas de posséder un savoir encyclopédique pour donner une lecture interprétative d’un monde en progrès. Il faut aussi savoir conjuguer la démarche scientifique et l’esprit critique.
Démarche critique et université de recherche
De façon générale, lorsque les étudiants sont sollicités pour livrer une définition simple de la connaissance scientifique, leur réponse fait appel à leurs savoirs intuitifs, à leurs convictions intimes, parfois à la politique ou même à la religion. Mais la réponse est complexe, et elle se construit souvent sur le mode négatif : « ce qui n’est PAS une science, c’est… ».
On peut ensuite questionner la nature du savoir scientifique via une introduction à l’épistémologie. Ce terme peut effrayer, mais permet de poser le problème clairement.
À l’inverse des sciences humaines, si l’enseignement scientifique affiche une apparente objectivité, il est souvent constitué de dogmes que l’enseignant transmet de façon inconsciente en faisant appel à des arguments conceptuels ou mathématiques dont la rigueur est indiscutable.
Il faut donc aborder les notions de réfutabilité et de paradigme, fondements mêmes de l’esprit critique.
L’enseignement des sciences permet avant toute chose de tester notre manière de penser et nous oblige à nous extraire de nos propres certitudes.
Une bonne approche pour expérimenter cela est de, nous-mêmes, enseignants, faire preuve de sens critique, de logique, de passion, d’ouverture, de capacité à se mettre à la place de l’autre, pour espérer que les étudiants intègrent ces principes et réflexes fondamentaux.
Insertion dans la vie active
Tous les trois ans, le programme PISA compare la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et scientifique chez des élèves de quinze ans pour évaluer leur capacité d’insertion dans la vie active. Sans chercher à reproduire le programme PISA, voire en complément des capacités qui sont évaluées par ce type de programme, nous pensons que la culture scientifique et l’esprit critique sont essentiels pour permettre aux futurs citoyens de s’insérer dans la vie active, de prendre une part dans la société, d’y penser par eux-mêmes, et d’éviter ainsi de tomber dans ce que Hannah Arendt appelle « la banalité du mal ».
C’est ce que nous essayons de mettre en place dans le cadre de notre UE DEMARCHE, qui relève des ateliers de recherches encadrés (ARE) de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), ateliers qui sont un véritable laboratoire pour l’innovation pédagogique.
Chaque étudiant y est guidé pas à pas pour apprendre le travail en autonomie et/ou en groupe, s’approprier une thématique scientifique, mener un raisonnement dans le domaine et restituer le processus de réflexion et les conclusions qui en découlent.
Un de nos objectifs est de favoriser la prise de recul vis-à-vis de ses propres conceptions et préjugés, mais aussi de la connaissance scientifique et de son rôle dans la société actuelle ou future.
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