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Dettes publiques Européennes, la solution ?

  • Sébastien Laye _ Institut Thomas More
  • 3 juin 2016
  • 5 min de lecture

Alors que le FMI paraît incapable de proposer une solution réaliste au fardeau de la dette grecque (suggérant récemment d’étendre les maturités finales de cette dette de 2040 à... 2080) et que les Britanniques s’interrogent, avec le Brexit, sur l’échec économique de la zone euro, un groupe d’économistes a récemment formulé des idées originales et crédibles pour régler le problème des dettes publiques en Europe. Après cinq années de crise et de marasme, tiendrait-on enfin la solution? Analyse et décryptage de propositions hélas largement passées inaperçues chez nous...

Cinq années après le déclenchement de la crise des dettes souveraines en Europe, notre continent semble toujours aux prises avec une situation insurmontable : une croissance anémique, une inflation inexistante malgré la politique d’assouplissement quantitatif, une demande atone, et une reprise qui parait entravée par un stock de dettes toujours colossale. C’est dans ce contexte troublé qu’un groupe d’économistes de Cambridge, de la London School of Economics et du Walter Eucken Institute vient de publier un document de travail relatif au renforcement de la zone euro intitulé Reinforcing the Eurozone and Protecting an Open Society. Monitoring the Eurozone 2 (1).

Nous avons étudié leurs propositions avec un angle critique et sur la base de ce travail, nous passons en revue quelques solutions claires pour assainir les finances publiques de la zone Euro. Le stock important de dettes souveraines en Europe (plus de 12 700 milliards d’euros) représente un risque de long terme pour la croissance économique sur le continent et un fardeau trop lourd pour les générations futures. Il est de notre responsabilité d’Européens réalistes, de traiter ce problème maintenant et d’éviter toute répétition future du scenario des dernières années.

Les travaux de Reichlin et Rey s’inscrivent dans cette logique, en cherchant à résoudre maintenant le fardeau des dettes publiques. A cet égard, ce document, au-delà de certains aspects techniques très novateurs, n’évite pas le débat politique et les auteurs rappellent (presqu’à chaque paragraphe...) que la résolution des problèmes de la dette est la condition sine qua non de la future prospérité économique de l’Europe. Nous sommes en désaccord avec eux sur certaines propositions, comme leur idée (qui ne nous paraît pas réaliste sur le plan budgétaire) d’émettre des refugee bonds pour financer l’aide aux refugiés du Moyen Orient (leur approche, qui s’inspire des fameux social bonds, pourrait cependant être appliquée à d’autres domaines sociaux relevant moins directement des États que l’accueil des réfugiés).

Cette approche de la crise financière présente deux mérites fondamentaux : les mesures proposées lient la résolution de la crise (restructuration des dettes) à un mécanisme de stabilisation de long- terme afin d’éviter la répétition des erreurs du passé et notamment du laxisme budgétaire. Elles peuvent en outre être mises en œuvre sans grande réforme institutionnelle de la construction européenne. Comme les auteurs de l’étude, nous aurions préféré un aggiornamento institutionnel, avec plus de convergence fiscale et budgétaire, des politiques économiques coordonnées : mais, prenant acte de la panne européenne (dont ce n’est pas le lieu ici de discuter les causes), il nous paraît plus utile de proposer, en pragmatiques, un nouveau mécanisme de stabilisation automatique qui ne requiert ni une mutualisation des dettes, ni de nouvelles institutions.

La proposition

Les auteurs proposent de mieux utiliser l’ESM (European Stability Mechanism), l’agence existant actuellement qui peut fournir une forme d’assistance financière aux États et banques européennes) par la création d’un mécanisme permanent de restructuration des dettes européennes (le SDRR pour Sovereign Debt Restucturing Regime.

Il prendrait la forme d’un fonds abondé par les États capable d’acheter et d’éliminer des dettes souveraines afin de les maintenir en dessous de 90% du PIB national (2). Ce fonds permettrait une réduction drastique (en une seule fois) des dettes souveraines suivies d’un mécanisme permanent de régulation pour les prochaines décennies. Afin de dénouer le lien problématique entre le bilan des banques et les dettes souveraines, les auteurs proposent aussi de créer des CDO (packages de dettes) constitués de dettes souveraines : des tranches seniors et sans risques seraient créées, une forme d’eurobonds synthétiques mais ne nécessitant pas formellement de mutualiser les dettes et de créer des eurobonds.

L’urgence : gérer la transition vers un nouveau Mécanisme Permanent de Restructuration des dettes souveraines

Le cœur de la thèse des auteurs est bien sûr de proposer un mécanisme de long terme de résolution des problèmes d’endettement de la zone euro. Cela étant, force est de constater que la transition vers un tel régime demande d’abord, nolens volens, de diminuer le stock de dettes existantes. Il n’y a pas de solution simple et idéale a un tel problème et jusqu’à présent, les autorités européennes, en favorisant le simple décalage dans le temps des remboursements (au cœur de la nouvelle proposition en date du 17 mai 2016 du FMI) ou l’émission de nouvelles dettes pour payer les anciennes obligations, ont créé de multiples effets d’aléa moral (3). L’approche actuelle des autorités européennes, malgré l’existence de l’ESM, consiste à se reposer sur la Banque centrale européenne, qui achète les obligations souveraines pour les garder à son bilan. Nous pensons que l’alternative proposée par les auteurs réduit le problème de l’aléa moral en zone euro, en réduisant le pouvoir de la BCE et en coordonnant l’élimination des dettes existantes.

Le traitement des dettes existantes (legacy debt) serait le suivant : un Fonds de Stabilité aurait pour mission, sous les auspices de l’ESM, de racheter puis d’éliminer une part significative des dettes souveraines afin de les ramener dans chaque pays bien en dessous de 90% du PIB. Le financement de ce fonds serait assuré par des revenus fiscaux dédiés de manière spécifique par les Etats à ce fonds, par exemple des taxes carbones nouvelles ou des taxes existantes (TVA ou impôts sur la fortune locaux). Afin de se financer, le fonds émettrait sur les marchés sa propre dette (dont la maturité devrait correspondre à celle des dettes locales achetées), sécurisée par la valeur nette actualisée des futurs revenus fiscaux. Ce financement, afin de fonctionner correctement, exigera de solides engagements de certaines ressources fiscales de la part des États membres. Cette dette du fonds de stabilité sera hors bilan pour les États membres et pourra être acceptée comme un collatéral de qualité par la BCE (ce sera même le principal futur actif des banques européennes à cote des dettes souveraines domestiques). Ce traitement unique des dettes peut être analysé comme un échange (swap) de dettes nationales – sujettes à un risque de défaut – en un nouvel actif sans risque ; mais force est de constater qu’il n’y a pas de nouvelle construction politique ou de mutualisation des dettes ; il n’y a pas besoin de franchir une nouvelle étape dans la construction politique pour mettre en place de manière pragmatique ce mécanisme.

 
 
 

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