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Brexit : le bon débat

  • Gaspard Koenig
  • 2 juin 2016
  • 3 min de lecture

Je suis un bon petit Européen qui se berce d'un lointain idéal fédéraliste, en rêvant qu'un jour la parenthèse historique des Etats-nations se referme. Je joins volontiers ma voix au concert des bien-pensants pour condamner le retour des protectionnismes. Je m'effraie du nationalisme identitaire comme du patriotisme économique. Pour autant, le débat sur le Brexit est loin d'être aussi binaire qu'on veut bien l'entendre de ce côté-ci de la Manche, où l'on se contente à tort de calquer notre propre querelle entre souverainistes et intégrationnistes.

Car les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne comptent de nombreux libéraux, de plus en plus audibles et mobilisés à mesure que la campagne avance. Un activiste tel que Toby Young, qui se définit comme « classical liberal », multiplie articles, conférences et tweets pour rendre au citoyen britannique les libertés instituées par la Magna Carta. A la différence des grandes institutions, notamment bancaires, les entrepreneurs sont pour le moins partagés : 110 d'entre eux ont récemment signé une lettre dénonçant la paperasserie bruxelloise. Un groupe de huit influents économistes a publié la semaine dernière un rapport en faveur du Brexit ; parmi eux, des thatchériens notoires, comme Warwick Lightfoot ou Ryan Bourne, le jeune directeur de recherche de l'Institute for Economic Affairs (un think tank qui doit son existence à... Friedrich Hayek !).

Rappelons que, lors du premier référendum de 1975 au Royaume-Uni, ces mêmes libéraux se trouvaient dans le camp du « oui ». Dans un pays sclérosé par l'aristocratie et les syndicats, en passe de demander le soutien du FMI, la communauté économique européenne représentait une promesse d'ouverture et de concurrence. Les mêmes raisons qui poussaient les libéraux à intégrer un espace de libre-échange les conduisent aujourd'hui à sortir d'une Union trop centralisée et procédurale. Le représentant le plus achevé de cette évolution est sans doute Nigel Lawson. ministre de l'Economie mythique de Margaret Thatcher, il appelait en 1975 à prendre « la douche froide de la concurrence européenne » pour réveiller une industrie britannique ronronnante. Aujourd'hui, lord Lawson ne ménage pas ses efforts pour le Brexit. Il dénonce l'activisme réglementaire et la folie taxatrice de la Commission, devenue une « monstruosité bureaucratique ». « L'entrée dans le marché commun il y a un demi-siècle a permis une réorientation salutaire de notre économie, écrit-il. Le même résultat sera obtenu aujourd'hui en quittant l'Union, une institution qui a rempli sa mission historique et dépassé sa date limite de péremption. »

De nombreux connaisseurs des arcanes de la diplomatie commerciale, à commencer par le président des Etats-Unis, rappellent alors à raison qu'un Brexit condamnerait le Royaume-Uni à des années de négociations ardues, dans des conditions défavorables, pour conclure des traités de libre-échange avec ses actuels partenaires européens. Mais les plus radicaux des libéraux, comme le professeur Patrick Minford de l'université de Cardiff, balaient cette critique avec une proposition choc : le « libre-échange unilatéral », ouverture des frontières sans contrepartie. Une mesure défendue par Milton Friedman dans « Capitalisme et Liberté », la bible du marché libre dont il faut saluer au passage la réédition en français chez Champs-Flammarion : « En vérité, écrit Friedman, nos tarifs nous nuisent aussi bien qu'aux autres pays et nous tirerons avantage de leur suppression même si les autres pays conservent les leurs. » L'industrie britannique n'en souffrirait-elle pas ? Tant mieux, répond le professeur Minford : il est temps pour le Royaume-Uni de se spécialiser dans les secteurs à forte valeur ajoutée, du design à la haute technologie.

Les « brexiters » sont d'irresponsables ratiocineurs, incapables de concevoir un « dêmos » européen, et souvent non dénués d'arrière-pensées xénophobes. Mais ils ont le mérite de pointer du doigt le véritable danger qui guette l'Europe aujourd'hui : non pas « le dogme de la concurrence », comme le veut la vulgate politicienne française, mais bien au contraire l'endormissement dans la torpeur administrative. J'espère que les Britanniques resteront parmi nous pour maintenir vivante à Bruxelles la flamme des libertés !




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