Des murs d’argent. Et la frontière devint un marché prospère et militarisé...
- Elisabeth Vallet - http://blog.mondediplo.net
- 10 mars 2016
- 2 min de lecture
Septembre 2013. Enclave espagnole de Melilla (nord du Maroc).
L’assaut est donné juste avant l’aube, le plus violent depuis 2007. Une fois encore, une fois de plus, des migrants se sont jetés contre la barrière frontalière qui sépare le Maroc de Melilla dans l’espoir de pénétrer l’espace Schengen. Le lendemain, une centaine sont passés et viennent grossir les rangs de ceux qui sont déjà retenus dans cette petite enclave de 80 000 habitants, dans des camps en large surcapacité.
Au même moment, à Ceuta, d’autres migrants tentaient la même manœuvre, mais en passant par la mer, à la nage. Les deux petites enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sont désormais une des principales portes d’entrée de l’Union européenne pour les migrants qui arrivent de presque partout en Afrique. Et depuis 2011, le « ressac » provoqué par les révoltes arabes a accru la pression aux frontières de l’espace Schengen. Et crispé les Etats européens.
Alors que la mondialisation atténue les frontières, les Etats riches sont paradoxalement en train de les réaffirmer. Face à des flux qu’ils pensent ne pas pouvoir maîtriser, ils dressent des murs dans l’urgence. Des murs pour rassurer leurs populations qui y voient une manière de canaliser les flux de migrants. Des murs qui, dans un univers où l’on veut « éliminer les risques », permettent en apparence de répondre à un enjeu de sécurité auquel l’Etat-prescripteur ne croit pouvoir répliquer que de manière unilatérale et asymétrique.
Lire « Voyage aux marges de Schengen », Le Monde diplomatique, avril 2013 Les murs reflètent le besoin qu’ont les Etats de se « sanctuariser » (comme l’Inde, l’Arabie saoudite ou encore la Chine dont les tendances à s’emmurer s’affirment de plus en plus) ou de redéfinir leur souveraineté (comme la Russie qui a annoncé — en septembre 2013 — la construction d’une double barrière le long de sa frontière… avec la Norvège !). Dans ce contexte, la frontière devient alors un objet qu’il faut surveiller, filmer, bétonner, blinder, armer.
Du risque à la menace
Le mur cristallise le contraste entre deux espaces : celui de la sécurité et celui du risque. De fait, il devient le moyen de répondre à un enjeu classique (pression migratoire) devenu une question de sécurité (menace terroriste), alors que cet enjeu pourtant très localisé (le long de la frontière) prend des accents nationaux (la frontière est intégrée dans la dimension sécuritaire nationale).
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