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L'indifférence à la haine

  • Marc Knobel - www.huffingtonpost.fr
  • 18 févr. 2016
  • 4 min de lecture

Lorsque l'on publie de nombreux articles, on réagit souvent à chaud. Un fait nous questionne, il mérite d'être analysé, posé, décortiqué, décrypté. Prenons un exemple. En janvier 2015, nous avons été profondément marqués les élans de solidarité qui ont mobilisé des foules entières, après que des attentats aient été commis contre des journalistes (rédaction de Charlie Hebdo), des policiers et des Juifs. Comme nos concitoyens, nous ressentions une grande tristesse, une forme de désolation.

Mais, à tort ou à raison, il nous a semblé que l'indignation était sélective. On se mobilisait pour la liberté d'expression, ce qui est tout à fait honorable et compréhensible, mais combien étaient-ils réellement à penser aux victimes de l'hyper Cacher? Quelques semaines plus tard, nous fûmes désorientés. Qu'en était-il de l'élan qui s'était manifesté en janvier? Comment se faisait-il que les mêmes ne se mobilisent pas pour le Kenya, Bardo, les chrétiens d'Orient, les réfugiés?

Développons. La ville de Garissa, vous connaissiez? Sauf que voilà... Jeudi 2 avril 2015, vers 5 h 30, des éléments du groupe islamiste somalien Al-Shabbaab prennent d'assaut l'université de Garissa. Les terroristes tirent sur deux gardes à l'entrée, puis ouvrent le feu au hasard, avant de pénétrer dans la résidence universitaire qui héberge plusieurs centaines d'étudiants. Équipés de masques et d'uniformes militaires, ils visent surtout les chrétiens, les sélectionnant en fonction de leurs habits, et les utilisant dans des mises en scène macabres. 148 personnes sont tuées, dont 142 étudiants, trois policiers et trois militaires. On compte également au moins 79 blessés. Par la suite, les condamnations ont-elles été suffisantes? Nous sentons que ce n'est pas cela, qu'il y aurait comme un manque d'attention, qu'il manque quelque chose, qu'il y a comme un oubli et que les réactions sont insuffisantes, pour ne pas dire presque inexistantes. Qu'il aurait fallu marquer notre solidarité, qu'il aurait fallu descendre dans la rue, qu'il aurait fallu dire et redire, crier et hurler.

Nous sentons que nous aurions dû exiger des gouvernements de plus franches condamnations, des déplacements au Kenya, des marques d'attention, de solidarité, de compassion, d'humanité. Pourquoi les Chefs d'Etat n'ont-ils pas été à Garissa? Pourquoi ne défilaient-ils pas, comme ils l'ont fait à Paris? Devrait-on seulement défiler pour des victimes parisiennes ou parce que des Français sont touchés?

Et les réfugiés? Soumis à de violentes guerres civiles et aux massacres, aux viols, à la sécheresse ou à la faim, les réfugiés qui sont déchirés par la guerre, fuient (Yémen, Syrie, Irak, Somalie, Libye...) Fuient-ils pour le plaisir? Fuient-ils parce que c'est fun? Parce que ce serait... tendance? Et nous, ne devrions-nous pas avoir honte? De taire (souvent)? D'ignorer (le plus souvent)? D'être indifférent (presque toujours)? Quoi de pire (peut-être) que le silence des êtres, tout comme l'indifférence? Il me plaît ici de citer le chanteur Gilbert Bécaud, lorsqu'il disait: "L'indifférence, elle te tue à petits coups". Ajoutons qu'elle (te) tue deux fois. Les réfugiés crèvent sous nos yeux, tous les jours. L'Europe ne peut rien?

Qu'est-ce que ce silence assourdissant?

Que dire également du sort qui est réservé aux chrétiens dans certaines parties du monde. Dans une cinquantaine de pays, surtout au Proche et Moyen-Orient (Irak, Syrie, Pakistan, Yémen), mais aussi en Libye, qu'ils soient catholiques, protestants, coptes ou de toute autre communauté, les chrétiens peuvent être discriminés, pourchassés, emprisonnés, torturés, assassinés. Tous les moyens sont utilisés pour les contraindre à renier leur foi : posséder une Bible est devenu un crime, la célébration des cultes est interdite...Le résultat est là, c'est ainsi que de la Corée du Nord au Soudan en passant par le Nigéria, la persécution des chrétiens dans le monde est une réalité. Pourquoi devrions-nous le cacher ? Au nom de quoi, devrions-nous le taire ? Là encore, ne convient-il pas d'élever un cri de révolte ? Un cri de colère, un cri de douleur, un cri d'horreur, un cri de dégoût, mais encore un cri d'humanité, un cri de compassion, un cri de fraternité pour nos frères chrétiens, si lâchement assassinés ? Assassinés parce que chrétiens ? "Celui qui accepte le mal sans protester en réalité coopère avec lui", proclamait avec justesse Martin Luther King.

Encore aujourd'hui, nous tentons d'imaginer ce qu'ils ressentent lorsqu'ils sont abandonnés, lorsqu'ils sont rejetés, parce que réfugiés, lorsqu'ils crèvent dans l'indifférence générale. Nous imaginons comment ils ont dû avoir peur au Kenya, lorsque des Shebabs sont venus en découdre.

Nous ressentons leur peine, car notre indifférence collective est un torrent de lâcheté, de honte et de misère. Nous imaginons ces cohortes de chrétiens qui tremblent simplement parce que chrétiens. En Irak, en Syrie, dans les pays d'Orient, ils fuient ou ils meurent. Nous imaginons ces femmes bafouées, humiliées, violées, ravagées ici ou là.

Dans le livre que nous publions, L'indifférence à la haine, (Paris, Berg international éditeurs, novembre 2015, 164 pages), nous voulons dire la souffrance des uns et des autres et la responsabilité si grande de l'homme, lorsqu'il fait du mal ou lorsqu'il se tait.

Parce que nous ressentons comme de la colère ou de la honte...

 
 
 

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