Les députés connaissent-ils l’entreprise ?
- Olivier Costa et Anne-Sophie Behm /
- 17 févr. 2016
- 2 min de lecture
Dans le discours commun, les responsables politiques français sont habituellement présentés comme étant déconnectés des réalités économiques. Le stéréotype est particulièrement tenace s’agissant de la gauche : bien plus qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Espagne, ses élus sont considérés comme des protecteurs incondi- tionnels des fonctionnaires et des « assistés ». A l’inverse, ceux de droite sont présentés – un peu par défaut, compte tenu de la dé- fiance que suscite le discours néo-libéral en France – comme les relais politiques des entrepreneurs et des artisans, de la France qui entreprend et se lève tôt. Des mesures sociales et fiscales embléma- tiques sont convoquées à l’appui de cette perception des choses.
On cite habituellement, pour le PS, la cinquième semaine de congés payés, les droits syndicaux, les 35 heures, le RMI, la suppression du jour de carence ou encore l’ISF et, pour l’UMP, le bouclier fis- cal, les privatisations, la réforme de l’impôt sur les successions, ou encore la défiscalisation des heures supplémentaires.
La gauche et la droite de gouvernement sont aussi réputés avoir des approches contrastées de l’économie, bien qu’il y ait, dans les deux camps, des divergences entre étatistes et libéraux. Au PS, domine une conception fondamentalement «colbertiste», qui donne un rôle central à l’Etat pour planifier, investir et faire face aux défaillances. Elle s’est traduite récemment par la création de Bpifrance, la banque publique d’investissement, la politique des filières industrielles et l’institution d’un Ministère du redressement productif. L’UMP, sans avoir jamais repris pleinement les préceptes néo-libéraux, promeut davantage la libre entreprise, l’allègement de la fiscalité pour le secteur productif, et une certaine forme de déréglementation et d’assouplissement des contraintes légales, réglementaires et administratives qui pèsent sur les entreprises.
Pour dire les choses en des termes plus techniques, la droite est perçue comme favorable à une politique de l’offre et la gauche à une politique de la demande. A droite, on estime que le plein- emploi et le progrès social ne peuvent être atteints que par l’amélioration de la productivité des entreprises, via la baisse de la pression fiscale et la dérégulation. A gauche, on reste attaché à une logique de la demande, et l’on considère qu’il convient de relancer l’activité par l’accroissement du pouvoir d’achat des ménages et de la soutenir par la dépense publique. Ce clivage se ressent clairement à la lecture de la presse économique ou à l’écoute du discours des leaders du MEDEF et de la CGPME, de mouvements tels que ceux des « Pigeons » et des « Poussins », et des chroniqueurs économiques qui écument les médias. La gauche est réputée imperméable aux intérêts du monde de l’entreprise et à la pensée économique libérale, et convaincue que seuls les pouvoirs publics peuvent apporter des réponses à la crise économique et au chômage.
La droite est, à l’inverse, présentée comme la force politique qui permettra à la France d’échapper à ses archaïsmes, de la réconcilier avec la libre- entreprise et d’imposer la frugalité en matière de dépenses publiques et d’adoption de nouvelles normes. On pourrait citer, ad libitum, des illustrations de cette vision des choses, en s’appuyant sur des discours politiques, des éditoriaux, des essais ou des courriers des lecteurs.

Comments